On y proclame chaque premier mardi de novembre les lauréats des prix Goncourt et Renaudot. Respectivement depuis 1914 et 1926 ! A deux pas de l’Opéra de Paris, sur la charmante place Gaillon, Drouant, temple de la littérature française et restaurant emblème de la cuisine bourgeoise, continue d'aimanter le Tout-Paris. Indémodable ! Il y a le décor d’abord. Code Art déco, remis au goût du jour avec un mélange de couleurs, de matières et de lumières : mosaïque de pierres naturelles au sol, boiseries en noyer, fauteuils recouverts de velours jaune impérial, moulages de coquillages et de crustacés au plafond, murs laqués et tissus épais. Au fond de la salle, le fameux escalier Ruhlmann (célèbre décorateur des années 1920) conduit à des salons feutrés et à la salle à manger où les Goncourt se réunissent. Une fresque originale est inspirée du roman « A l’ombre des jeunes filles en fleurs » qui valut à Proust le Goncourt en 1919. Les portraits des académiciens rappellent, dès l’entrée, que nous sommes bien chez Drouant. Côté cuisine, la table fait son come-back parmi les restaurants gastronomiques de Paris. Pas facile de reprendre les rênes d’une adresse historique ! On a soigné le casting en confiant (il y a un an) les fourneaux de la maison à un jeune talent, Romain Van Thienen. Formé auprès de Cyril Lignac, Yannick Alléno et Olivier Bellin (le chef propriétaire d’un hôtel de luxe en Bretagne couplé à un restaurant deux étoiles au Guide Michelin), il perpétue une cuisine bourgeoise, gourmande et soignée, toute en nuances. Une « gastronomie culturelle » qui revisite et modernise les recettes signatures de la maison, les rendant plus accessibles, tout en restant fidèle à un savoir-faire : pâté en croûte dans les règles de l’art, vol-au-vent façon frères Goncourt, huîtres Charles Drouant, salade Colette (castelfranco, laitue rose, crabe royal, agrumes), tarte fine Romain Gary au caviar, volaille du Gâtinais rôtie… Des classiques que le chef entend bien perpétuer, et conjuguer à quelques nouveautés alléchantes, au goût du jour, dans un esprit plus bistrot : poireau vinaigrette, petits pois frais et asperges vertes, suprême de pamplemousse, oseille et sabayon d’agrumes. Un rouget est accompagné d’artichauts à la barigoule, un bar vapeur auréolé d’asperges blanches, un barbu préparé meunière de citrons au léger goût de caramel. La côte de veau tomahawk est découpée devant le client « pour cultiver l’expérience du geste ». Pour finir on a l'embarras du choix : une bonne demi-douzaine de desserts, chocolat d’un côté, millefeuille de l’autre, fruits de saison. Et la Fameuse et géante Madeleine de Proust, sauce chocolat, crème sublime… A la fois légère et délicate, adaptée aux codes Drouant et au diapason des envies culinaires du moment, la carte s'accompagne d'une sélection de près de 1500 références de grands crus, la plus belle cave de vins du Rhône de la capitale dit-on. Tout ce qu'il faut pour passer un bon moment.