Savez-vous qu'il y avait un restaurant à Paris baptisée Le Balcon, juchée au 6ème étage de la Philharmonie, dans le 19ème arrondissement ? Non, cela vous avait échappé ? Il faut dire que si l'on ne fréquente pas ce nouveau temple de la musique classique conçu par Jean Nouvel, il y a peu d’intérêt à pousser jusqu'à cette bordure extérieure pour dîner à Paris. C'est pourtant dommage car la vue, de tout là-haut, façon rooftop, est plutôt plaisante. On domine le parc de la Villette, le périphérique et, au loin, les toits de Paris. Si vous ne vous êtes jamais perché sur ce « balcon », vous pouvez vous rattraper en venant aujourd'hui y prendre votre envol ! En effet, début 2024, un nouveau restaurant s'est installé dans ce nid perché au dernier étage de la Philharmonie. Il s'est baptisé L'Envol. Et l'on y déguste une cuisine plutôt enlevée pour un lieu soumit à de sérieuses contraintes...

 

Car L'Envol n'est ouvert que les soirs. Et les soirs, à la Philharmonie, on vient écouter de grands virtuoses. Ce restaurant propose donc deux services. Le premier débute à 18h et attire ceux qui ont fait l'impasse sur leur déjeuner pour être affamés tôt et pouvoir, ainsi, dîner de 18h à 19h30. Et être assis à 20h lorsque débute le concert. Un second service débute après la représentation, vers 22H et se termine vers 23h pour la dernière commande (on vous laissera le temps de dîner tranquillement ensuite). Des contraintes pas simples à gérer si l'on en croit le chef de salle de ce restaurant qui, en plus, affiche une grande capacité d’accueil (dans les 160 couverts !). Il faut servir une clientèle pressée avant le concert et qui veut prendre son temps après. Les plats doivent donc vite sortir de la cuisine. Mais L'Envol, malgré sa taille XXL qui lui donne des airs de restaurant d'entreprise, souhaite aussi proposer des plats de belle gastronomie. Bref, l'équation n'est pas simple à résoudre...

 

Pour autant, le chef Thibaut Spiwack, en charge de cette nouvelle table, s'en sort pas mal du tout. Du George V à Paris au One-O-One à Londres. Auprès de Jerome Banctel chez Lucas Carton ou au Jules Verne d’Alain Ducasse. Thibault Spiwack a bien fait ses classes avant d'ouvrir sa propre table, Anona, dans le 17ème arrondissement de Paris, où il a décroché une étoile en 2023. Pour L'Envol, il s'est associé à Sarah Ledu qui est passée chez Semilla d'Eric Trochon, chez Tékès d'Assaf Granit ou encore chez Pouliche avec Amandine Chaignot. 

 

Autant dire que voilà un duo de choc bien décidé à briller en respectant les principes qui leur sont chers. A savoir travailler les produits au maximum pour éviter tout gâchis et sélectionner des petits producteurs, d'Ile-de-France quand c'est possible et toujours à taille humaine quand il faut s’éloigner de Paris. L'Envol est donc une table qui se veut respectueuse autant des saisons et des produits que de ceux qui les cultivent, les élèvent et les pêchent. 

 

Alors, avec autant de contraintes (de gros services qui doivent êtres rythmés et des produits de qualité qui doivent être magnifiés) comment s'en sortir ? Pour des prix raisonnables en plus... La réponse est sur la carte qui est ultra condensée. 3-4 entrées, 3-4 plats et une poignée de desserts. Le client doit pouvoir choisir vite et les assiettes doivent être envoyées dans la foulée. Et c'est vrai que le service est rythmé. A peine commandés, on vous apporte vos plats. On se prend alors à douter de leur qualité. Est-ce juste un assemblage déjà préparé que l'on envoie en express ?

 

Pas du tout. Arrivent des assiettes joliment dressées. Et succulentes ! Mention spéciale pour le céleri servit chaud et fondant, accompagné d'un aïoli, jaune d'oeuf et câpres. Une entrée réjouissante et addictive. La truite, issue d'une pisciculture de la Villette, posée sur un coulis de cresson n'est pas mal non plus. On voit bien la philosophie des chefs qui exploitent le produit dans son intégralité : ici la peau de la truite est recyclée en chips croquante... Côté plats, les butternut accompagnés de Saint-Jacques de Normandie sont plus originaux que l'autre plat à la carte, des lentilles béluga servies dans une petite cassolette qui fait un peu trop « cantine ». Mais c'est bon. Et gourmand grâce aux morceaux de poitrine de cochon du Tarn que l'on y pioche. Juste un peu trop simple dans la présentation, comparé aux assiettes d'entrées si joliment troussées. Les desserts ne déçoivent pas non plus. Le galet noisette cœur praliné est gourmand à souhait et la poire pochée au vin rouge a la bonne idée d'être émincée et accompagnée de pépites de pain d'épices, de marrons glacés et d'une sauce au chocolat. 

 

Quand on sait que le menu en trois services est facturé 45 euros, on a vraiment envie de s'envoler pour cette table gourmande et respectueuse des produits. Un sans faute. Le débat entre les convives va plutôt tourner autour de la décoration du restaurant qui peut ne pas plaire à tout le monde. Les lumières tamisées et chaudes sont parfaites pour mettre en valeur celles de la ville que l'on contemple depuis les larges baies vitrées. Mais le papier peint graphique est un peu brouillon. Quant aux assisses jaune poussin, pour confortables qu'elles soient, il faut les apprivoiser, avec leur dossier qui s'incline tout seul. La déco est étonnante et chacun se fera son avis...

 

Pour le reste, L'Envol est sans doute l'une des meilleures propositions gastronomiques que l'on puisse trouver dans une institution culturelle à Paris. On peut même y venir juste pour dîner sans aller aux concerts de la Philharmonie. A partir de 20h, la salle est toute à vous puisque les concerts ont débuté. Pour un dîner romantique avec vue sur les toits de Paris, ambiance tamisée, belles assiettes bistronomiques à prix raisonnable, voilà un super spot pour les amoureux qui veulent se retrouver au calme. Enfin, jusqu'à 22H et l'arrivée des mélomanes affamés après le concert !

 

 

L'Envol
Accès au 6eme étage de La Philharmonie,

221 avenue Jean Jaurès
75019 Paris 
restaurant-lenvol-philharmonie.fr